duminică, 20 aprilie 2014

Les traducteurs sont des chatons - Bérengère Viennot

Ce mică e lumea mare a traducătorilor! Azi mi- au picat ochii pe articolul de mai jos. M- a uns la suflet, ce mai! N- am timp să- l traduc, dar tot românul ştie un pic de franceză ( vine la traducător cu o traducere pentru că " are nevoie de semnătura lui" , nu?!? ) aşa că nu cred că e o problemă ...

Il y a quelques semaines je suis allée chez un médecin que je vois environ tous les deux ans. Après la consultation, il m’a demandé comme à chaque fois: «Alors, vous faites toujours des traductions?» Comme je suis très bien élevée (ou engoncée dans un carcan social qui m’interdit la franchise face à toute personne pourvue d’un minimum d’autorité), d’habitude je me contente de répondre «Oui oui, je suis toujours traductrice».
Etait-ce la conjonction des étoiles, le syndrome prémenstruel, la plénitude de la coupe, l’énervement d’avoir attendu une heure dans la salle d’attente? J’ai explosé en vol.
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Je l’ai regardé droit dans les yeux et j’ai répondu:
«Et vous, vous faites toujours des touchers rectaux? Et votre plombier quand vous le croisez dans la rue, vous lui demandez “Alors, vous débouchez toujours des chiottes?” Et à votre bouchère: “Alors, vous découpez toujours des steaks?” Je ne fais pas des traductions, je suis traductrice.»
En rentrant chez moi, j’ai rageusement jeté à la poubelle l’ordonnance de Xanax qu’il a insisté pour me prescrire.
Cher lecteur, toi qui d’habitude me lis sans le savoir, aujourd’hui je vais te parler en mon nom.
Grâce à Slate qui a la correction de faire ce qui est loin d’être une évidence dans le métier, tu as peut-être déjà lu mon patronyme en bas de traductions, et si ce n’était le mien, c’était donc celui d’un(e) collègue. D’habitude, j’habille de mes mots la pensée des autres. Aujourd’hui, parce que je suis lasse d’être considérée comme une oisive qui bosse deux heures par jour en pyjama, qui peut garder le petit dernier de sa sœur puisqu’elle est à la maison, et qui n’a besoin que du Harrap’s pour travailler tout en frémissant de terreur en voyant s’avancer le spectre des logiciels de traduction, je prends la parole, pour t’expliquer ce qu’est un traducteur indépendant. Ou plutôt, ce qu’iln’est pas.

Un traducteur indépendant 

n’est pas un dictionnaire

Un dictionnaire, c’est un livre (ou un CD, ou un site) avec des listes de mots et leurs équivalents dans une langue que vous ne parlez pas, ou mal.
Un traducteur, c’est un humain qui travaille avec des dictionnaires, alors que l’inverse n’est pas vrai. Certes, il sait un tas de mots que vous ne connaissez pas, mais tout comme l’architecte ne va pas vous sortir une brique de sa poche à l’apéro, il ne peut pas non plus vous réciter le Larousse anglais-français sur commande.

Un traducteur indépendant 

n’est pas un prof

Un prof, c’est quelqu’un qui a décidé de passer ses journées avec des cerveaux pas tout à fait finis, logés dans des enveloppes boutonneuses et hormonalement dysfonctionnelles, et qui a étudié pour savoir comment leur faire rentrer une langue étrangère dans le crâne.
Alors qu’un traducteur est le plus souvent misanthrope, allergique à l’espèce humaine, et la plupart du temps travaille chez lui, la porte fermée à double tour et les fenêtres calfeutrées, ne répondant au téléphone que pour quémander un délai à ses clients ou un rabais à l’Urssaf.

Le traducteur indépendant 

n’est pas juste doué en langues

Le métier de traducteur ne consiste pas à parler une langue étrangère à la perfection. Ça, les étrangers le font très bien (et même beaucoup mieux), et ils ne sont pas tous traducteurs pour autant.
Le traducteur recrée un texte écrit en étranger dans une langue que ses compatriotes (c’est important) peuvent comprendre. Il lit le texte, l’analyse, le comprend, le déverbalise, et recrache le tout dans un français parfait ou quasi. Il transpose et adapte à la culture d’arrivée. Il ne traduit pas des mots, mais des idées, et c’est pour ça qu’il ne traduit pas
«The guy looked hairy at the heel. He grasped her phone and did a runner. Never mind, she thought, I have enough at home to cobble dogs with»
Par:
«Le gars avait l'air velu au niveau du talon. Il saisit son téléphone et a fait un coureur. Jamais l'esprit, pensait-elle, j'ai assez à la maison à bricoler avec des chiens.»[1]

Le traducteur indépendant 

n’a pas peur de Google Trad

Relisez le paragraphe précédent. C’est Google Trad qui l’a commis.

Le traducteur indépendant 

n’est pas disponible

Quand le traducteur se reproduit, il a besoin, à l’instar des autres travailleurs, d’un mode de garde pour sa progéniture. Non, on ne peut pas traduire un article sur la guerre en Syrie, une plaquette publicitaire, un guide de pilotage ou le mode d’emploi d’une ogive nucléaire avec un bébé hurlant sur les genoux. Ni au square. Ni en touillant la purée. Ni en étant interrompu toutes les cinq minutes. Si garder un enfant n’était pas aussi un travail, tout le monde emmènerait le sien au bureau.

Un traducteur indépendant 

n’est pas un interprète

Le traducteur traduit des documents écrits. L’interprète travaille à l’oral. Ce ne sont pas les mêmes parties du cerveau qui sont sollicitées, les techniques sont différentes, et arrêtez de prendre cet air déçu quand on vous dit qu’on ne travaille pas en cabine avec un micro et des écouteurs. Non, on n’est pas à l’ONU, mais nous, si on veut, on travaille en pyjama.

Un traducteur indépendant 

ne gagne pas d’argent de poche

Le traducteur indépendant doit gagner sa croûte autant que n’importe quel salarié, sans jamais avoir la certitude d’y arriver tant il est soumis aux caprices des clients. «Tu bosses beaucoup, mais tu dois gagner plein de sous c’est super!» est une phrase récurrente dans la bouche de non-traducteurs bien intentionnés. La vérité ressemble davantage à:
«Je bosse beaucoup, ce mois-ci avec de la chance en travaillant 10 heures par jour je vais peut-être atteindre les 2.500 euros. Brut.»

Le traducteur indépendant 

ne veut pas bosser en agence

En tout cas pas dans n’importe laquelle. Des agences commeTextmaster n’hésitent pas à rémunérer leurs traducteurs un centime le mot. Sachant qu’un traducteur traduit en moyenne 2.000 mots par jour (recherches et relecture comprises), en travaillant tous les jours sauf le week-end, il peut espérer un peu plus de 400 euros par mois à ce tarif.
Quel autre métier est rémunéré 20 euros brut la journée? (J’allais dire à bac +5, mais même à bac moins cinq, personne ne mérite d’être payé ça). Si une agence vous propose de vous livrer une traduction à moins de dix centimes du mot, sachez qu’un traducteur et ses enfants mourront de faim à la fin du mois (c’est moins attendrissant qu’un chaton, mais c’est grave quand même).

Un traducteur 

ne travaille pas dans n’importe quel sens

Un traducteur consciencieux travaille toujours vers sa langue maternelle, qui est celle dont il saisit toute l’intelligence et dont la culture n’a quasiment aucun secret pour lui. Savoir traduire, c’est avant tout savoir écrire. Sinon, ça se sent à la lecture, en plus d’enlever le pain de la bouche des traducteurs des autres langues. Un traducteur ne travaille donc pas dans n’importe quel sens. En revanche, il peut travailler dans n’importe quelle position.
Pourquoi alors choisir une profession précaire, mal payée, mal comprise, peu valorisée, sans congés payés ni droits au chômage, et qui nécessite de longues études?
Pourquoi supporter d’être réduite à quelqu’un qui fait (des traductions) et non quelqu’un qui est (une traductrice)?
Sans doute parce que malgré tout, la liberté de traduire en pyjama et dans des positions saugrenues des textes (souvent) intéressants n’a pas de prix. My tailor is poor, but my life is rich.
Bérengère Viennot
[1] Traduction par Google Translate. En réalité il faut lire: «Le type avait l’air louche. Il s’empara de son téléphone et piqua des deux. Tant pis, pensa-t-elle, j’en ai plus qu’il ne m’en faut à la maison.» Retourner à l'article

http://www.slate.fr/story/84701/traducteur#retour1

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